Le porno, une histoire de famille
Temps de lecture : 3 minutes
Rencontre avec Mickaël DRAÏ
Les gens sont aujourd’hui presque admiratifs quand je leur dis que les vingt premières années de mon existence furent financées, en grande partie, par l’industrie du X. Et pourtant, j’ai vécu une jeunesse toute aussi chiante que les autres.
Je pense faire partie de la dernière génération capable de se rappeler du titre de son premier porno. J’avais 13 ans et c’était un mercredi après-midi chez un copain d’enfance. De ces mercredis où l’on n’a pas grand-chose à faire, sauf de s’ennuyer à deux. Plutôt fouineurs, nous avions décidé de remonter une vieille et massive horloge familiale qui se dressait le long d’un mur du salon. Surprise quand, tâtonnant les mécanismes à l’aveuglette, ma main s’arrêta sur une cassette VHS TDK. Nous n’eûmes même pas besoin de décider d’insérer la précieuse dans le magnétoscope. Elle s’y glissa d’elle-même.
Bercé mais pas touché, j’ai grandi à côté du porno
C’était en 1991 et nous étions rentrés de plain-pied dans l’âge d’or du X en vidéo. Le film avait été enregistré un an plus tôt sur Canal +, en octobre 1990. C’était La Petite étrangère, un film déjà vintage pour l’époque, datant de 1980, tourné en 35 millimètres par Burd Tranbaree, aka Claude Bernard-Aubert. Le réalisateur de L’Affaire Dominici avec Jean Gabin, qui a tourné sous pseudo bon nombre de films X.
Je découvris alors circonspect ce qui se cachait sous ce que j’appelais “le triangle de la fourrure”.
Il n’y avait rien de très pornographique dans mon quotidien en dehors d’échanges téléphoniques surpris par hasard entre Guy, mon père, et Henri, mon grand-père, déconnant sur les titres souvent improbables des films que tous deux distribuaient. Pas d’actrice tapageuse dans le local professionnel de mon père. Aucun réalisateur fantasque invité à dîner dans notre appartement du 3e arrondissement de Lyon. Même pas quelques images subversives ou autres jaquettes dissimulées au fin fond d’un tiroir…
Vous l’aurez compris, l’argent du X a donc contribué à financer mon éducation. Pas vraiment de quoi rougir, l’État ayant surtaxé le genre, on peut dire que nous avons tous deux pu tirer partie de la situation.
Des mots, zéro lolo
Si, tout au long de mon existence, j’ai accroché bien volontier sur les murs des affiches de films de Godzilla, de zombie ou de karaté également distribués en salle par mon paternel, j’ai un peu fait l’impasse sur sa collection réservée aux plus de 18 ans. Ces affiches, tout le monde s’en foutait. Mon père nous les donnait pour protéger les sols, quand il y avait des travaux de peinture à réaliser dans nos appartements. Elles ne présentaient aucune femme dévêtue, rarement même une silhouette. Juste des typographies démentielles et des titres à faire rougir un peintre en bâtiment.
Mickaël DRAÏ, auteur du livre et de l’exposition “Pornographisme, affiches à caractère typographique”
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