Avons-nous une vie privée ?
On sait depuis maintenant longtemps que l’intime est politique, et que nos comportements dans la sphère la plus privée influencent, à bas bruit mais au long cours, l’état de la société : l’égalité entre les sexes, tout particulièrement, reste souvent largement à conquérir dans ce domaine, comme le rappellent encore en 2024, en Occident ou ailleurs, les études et les témoignages. C’est toutefois une autre intimité politique et quotidienne que nous souhaitons évoquer à Ground Control lors de notre troisième temps fort de ce trimestre : celle que la surveillance de masse malmène si largement – pour notre bien ? se demandera-t-on sans doute – et celle que nous exhibons souvent sans grande retenue sur les réseaux sociaux – en toute conscience ? se demandera-t-on certainement. Les défenseurs des libertés fondamentales, un peu partout, nous alertent pourtant régulièrement du danger qui s’est constitué sous nos yeux trop incrédules : la collecte généralisée des données personnelles, de toute nature, si elle se présente toujours ou presque comme relevant de notre confort (marchand) et de notre sécurité (policière), menace profondément certains équilibres public/privé sur lesquels repose une part essentielle du consensus démocratique. Malgré ces mises en garde, nous laissons largement les choses se faire, l’intimité devenir transparence acceptée ou forcée, et divers pouvoirs nous dicter de plus en plus le sort de nos corps et de nos esprits. Pour mieux saisir ce qui se joue ici, Ground Control et Amnesty International invitent des spécialistes affûté.e.s pendant deux jours, pour titiller en profondeur notre sens politique de l’intime : le défendre chaque fois que nécessaire, l’exposer certes, mais en connaissance de cause, le préserver d’une exhibition forcée ou incontrôlée. En somme : nous aider à éviter qu’il ne se retourne un jour contre nous toutes.
PROGRAMMATION
MERCREDI 26 MARS
Table-ronde : Et si Orwell avait vu juste ?
19h-20h Charolais Club
Depuis plusieurs années, les autorités françaises intensifient le déploiement d’outils de surveillance dans l’espace public : expérimentations dans les villes ou les transports en commun. Alors que les technologies de surveillance sont peu à peu devenues la réponse presque systématique aux questions sécuritaires, les Jeux olympiques et paralympiques 2024 ont été l’occasion pour la France de légaliser, à titre expérimental, la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Son déploiement, souhaité par le gouvernement français jusqu’en 2027, constitue une étape vers l’utilisation de technologies de surveillance toujours plus intrusives, telles que la reconnaissance faciale.
Ces outils laissent craindre l’avènement d’une société qui ne garantit plus le droit à la vie privée et qui peut dangereusement basculer vers le contrôle et la suspicion généralisée, l’autocensure qui ne permet plus l’expression d’une critique légitime et où les biais et pratiques discriminatoires humains sont amplifiés par les technologies biométriques.
Le déploiement de ces outils au nom de la « sécurité nationale », pose la question du modèle de société vers lequel nous nous dirigeons et de ce que nous sommes prêts à accepter.
Intervenant.es :
Noémie Levain, juriste au sein de La Quadrature du Net
Thomas Jusquiame, journaliste, s’est infiltré dans une entreprise qui développe et fournit aux pouvoirs publics des dispositifs de surveillance, il en révèle les dessous dans son enquête “Circulez, la ville sous surveillance”.
Modération : Katia Roux, Amnesty International France

JEUDI 27 MARS
Rencontre : Réseaux sociaux, reprenons le contrôle !
19h-20h
Les géants du numérique exercent un immense pouvoir sur nos vies. Notre dépendance de plus en plus forte à leur égard a permis à une poignée d’entreprises de bafouer notre droit au respect de la vie privée et de suivre tous nos faits et gestes, modifiant ainsi nos interactions et créant des prédictions sur nos comportements pour leur profit.
Leur modèle d’activité fondé sur la surveillance représente une menace systémique pour les droits humains, notamment pour les droits des enfants, des femmes et des minorités de genre. Les recherches d’Amnesty International mettent en lumière les atteintes dont sont victimes les enfants et les jeunes qui utilisent TikTok. En cause : le système de recommandation de la plateforme qui amplifie les contenus sur la dépression et le suicide qui risquent d’aggraver des problèmes de santé mentale existants.
Par ailleurs, les algorithmes des réseaux sociaux conçus pour maximiser à tout prix la participation des internautes permettent et amplifient la diffusion de discours haineux, l’incitation à la violence, le harcèlement en ligne et la censure de certains groupes menacés. La violence numérique s’exerce ainsi de manière disproportionnée envers les femmes et les minorités de genre, premières victimes de pratiques dévastatrices pouvant aller du stalking, à la silenciation ou encore au doxxing.
Parce que ce qui se passe en ligne a de réels impacts dans le « monde réel», il est urgent de réguler les pratiques des entreprises des réseaux sociaux et de reprendre le pouvoir pour faire de nos réseaux un espace sûr pour tous·tes.
Intervenantes :
Katia Roux, Amnesty Internationale France.
Chargée de plaidoyer au sein du programme Libertés d’Amnesty International France depuis 2017, en charge des questions relatives à l’impact des technologies sur les droits humains, et en particulier des questions liées à la surveillance de masse et au modèle économique des Big Tech.
Laure Salmona, Féministes contre le cyberharcèlement.
Militante féministe et spécialiste des cyberviolences de genre, Laure Salmona a co-fondé l’association Féministes contre le cyberharcèlement et en est aujourd’hui directrice. Son ouvrage, Politiser les cyberviolences. Une lecture intersectionnelle des inégalités de genre sur Internet, est paru en 2023 aux éditions Le Cavalier Bleu. À travers ses différents engagements, elle s’attelle à penser l’espace numérique à travers le prisme du genre et des inégalités pour mieux lutter contre les rapports de domination qui s’y déploient.
Modération : Justine Payoux, Amnesty International France

Théâtre-Forum : Vivre libre ou sous surveillance ?
par la compagnie du théâtre de l’Opprimé
20h-22h00
Le Théâtre de l’Opprimé partage avec Ground Control une même vocation : être un lieu d’accueil des luttes. Dans le cadre du temps fort “Avons-nous une vie privée ?”, il mettra à disposition du public l’outil qui fait toute sa singularité : le théâtre-forum. Cette forme de théâtre participatif invite le public à monter sur scène aux côtés des acteur·rice·s pour exercer son imagination citoyenne et nourrir une réflexion collective sur la surveillance, qu’elle soit dans l’espace public ou numérique, et sur ses impacts sur nos vies privées.
→ Plus d’informations sur le théâtre-forum : suivez le lien
