Entrez dans la bagarre !
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La mobilisation générale que nous mettons à l’honneur en ce mois d’octobre est celle d’une partie de la population mondiale qui a décidé de ne pas baisser les bras, voici pourquoi.
« Il y a trop de mauvaises nouvelles pour être pessimistes. Alors Soyons optimistes dans la lutte dans la bagarre » Hervé Kempf (rédacteur en chef de Reporterre)
De quelle(s) guerre(s) parle-t-on ?
Décréter l’état de mobilisation générale c’est décider de mettre toute la société, toutes les forces vives de la nation, au service d’une cause qui les dépassent. Utiliser une expression consacrée par l’armée est lourd de sens. Sauf qu’aujourd’hui, la Mobilisation Générale n’est pas un appel d’un gouvernement responsable devant sa population, elle émane de la population elle-même. Celle qui a décidé de faire front face à une guerre qui ne dit pas son nom. Une violence adressée au vivant à coup de capitalisme débridé, de délire transhumaniste et de refus de poser les bases d’une réelle révolution des modes de pensée, des modes de vie. Chute de la biodiversité, catastrophe climatique, raréfaction des ressources, augmentation de la précarité, montée des nationalismes, mouvements de populations, les menaces sont partout et convergent, en témoigne la réaction récente du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres face à l’ouragan qui a détruit une grande partie des Bahamas en septembre 2019 « Si nous ne la respectons pas la nature nous frappe violemment ».
« Nous n’avons plus le temps »
Les actions de mobilisation qui naissent un peu partout depuis bientôt 2 ans se posent donc en alternative à la guerre latente d’un système enfermé dans ses aveuglements et de son impuissance à changer rapidement, car comme nous le rappelait Nicolas Hulot lors du festival Climax à Darwin, nous n’avons plus le temps.
Un appel à l’action sans délai, sans concession
Pablo Servigne compare notre situation à celle d’un malade auquel on viendrait d’annoncer qu’il a un cancer. Une alternative claire s’offre à lui : s’effondrer tout de suite et se dire que cela ne sert plus à rien ou bien décider en conscience et lucidité de vivre avec cette information et de mettre son énergie dans la possibilité de guérir ou de repousser l’échéance de la mort aussi loin que possible.
Le propre des acteurs en présence est de refuser le laisser faire
Que ce soit au travers des actions de désobéissance civile comme le proposent de plus en plus d’associations écologistes, comme Extinction Rebellion, née en 2018 et qui a mis au point une méthodologie alliant non violence, respect absolu de ses interlocuteurs et désobéissance civile pour former un cocktail à même de provoquer un changement social et politique rapide.
Que ce soit au travers de manifestations et de blocages économiques face à une injustice sociale et un décrochage qui ne fait que s’accentuer.
Que ce soit par la création de communautés de chercheurs, d’artistes, de philosophes d’historiens, d’acteurs du monde économique afin de proposer une autre politique et un autre modèle de société comme le propose Bernard Stiegler ou d’autres.
Dans tous les cas, il s’agit de répondre à un triple impératif : lutter contre un système de pensée arrivé en bout de course, proposer des alternatives et changer les mentalités.
Se reconnecter au vivant et faire usage de notre créativité pour inventer demain
A force de se croire tout puissant, notre modèle s’est déconnecté du vivant, balayé par les chantres du transhumanisme qui proposent comme seule perspective de quitter la terre lorsque celle-ci ne sera plus vivable, de vivre éternellement et de décupler nos capacités cérébrales à l’infini grâce à l’intelligence artificielle.
Face à ces scénarii, la fiction et la science-fiction nous aident à penser. Si Alain Damasio est devenu un auteur aussi écouté c’est qu’il a réussi à formuler un grand nombre des risques qui découlent d’un système capitaliste déviant tout en rappelant, en guise d’invitation à l’action, ce qui nous fait homme et femme.
La littérature, l’art et la culture sont des leviers majeurs de transformation parce qu’ils savent nous toucher au cœur, à ce qui nous relie au monde, l’émotion, l’amour, la poésie. Se rappeler des origines contestataires et rassembleuses du Funk, se replonger dans les films écologistes et utopiques qui ont ouvert des brèches, ou découvrir la réalité de l’impact climatique sur les populations au travers d’une exposition de photos aura le mérite de nous rappeler que l’histoire s’écrit au jour le jour. Et que nous en sommes partie prenante.
Il est temps de se réveiller, il est temps comme le dit Bernard Stiegler d’appeler à « une mobilisation d’un « nous qui croyons encore à la possibilité de l’humain » ». Le philosophe de rappeler que c’est la créativité qui fait l’être humain, et que grâce à elle, on doit être capable de produire des solutions alternatives. A condition de mettre en commun les savoirs et d’en créer de nouveaux.
Ainsi est-il nécessaire de s’intéresser aux connaissances des peuples autochtones et de les entendre lorsqu’ils nous invitent à « décoloniser les esprits et les territoires » comme l’a fait le cacique Raoni lors de son passage en France, comme le font les invités d’Anne Cécile Bras depuis 10 ans dans son émission C’est pas du vent sur RFI, écoutée dans toute la francophonie.
Ainsi est-il indispensable et tout aussi urgent de se donner les moyens de repenser les politiques scientifiques et énergétiques pour accompagner les chercheurs et leur donner plus de poids. Comme le souligne Jean-Marc Jancovici ces politiques ne peuvent se résumer à des calculs tarifaires car elles empêchent de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Les chercheurs du CNRS, institution qui fête ses 80 ans cette année, viendront nous présenter des cas concrets de solutions pour « réparer le monde »
Ainsi est-il salvateur de se rappeler que l’on peut dire non comme en appellent les associations telles que Alternatiba, Notre affaire à tous, et tous les acteurs des mobilisations pour le climat.
Et bien sûr, de ne pas négliger d’agir à son niveau individuel. Julien Vidal nous en parle dans son deuxième guide pratique pour changer le monde.
Pour faire le lien entre tous ces sujets nous avons aussi besoin d’une information exigeante et indépendante. Sans information, notre possibilité d’agir sur le réel s’effondre, nos libertés avec. Laisser la parole aux médias indépendants et engagés pour éclairer le réel est donc une étape indispensable pour que la mobilisation générale ne soit pas l’arme d’une pensée unique quelle que soit son origine ou son but.
Voilà l’ambition d’une Mobilisation Générale en ce mois d’octobre 2019 à Ground Control. Parce que l’opti-pessimisme d’un Edgar Morin nous inspire plus que jamais.
“Je suis un “opti-pessimiste” Il y a des situations où le probable semble catastrophique, comme en 1940. Aujourd’hui, le danger écologique augmente, la menace nucléaire n’a pas disparu, il y a des conflits sans nombre sur la planète… La probabilité est que nous allons vers une catastrophe. Mais on peut croire en une prise de conscience. Pour le millénaire qui vient, il faut s’attendre à l’inattendu. Etre prêt à tout, au pire comme au meilleur. Moi j’espère, je mise sur l’improbable”. Edgar Morin
Mathilde Girault
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