Rencontre avec zôÖma , membre fondateur de la communauté Paris P2P
Du 27 avril au 1er mai, le Paris P2P Festival prend ses quartiers à Ground Control. L’objectif de ce festival gratuit est de proposer 5 jours de rencontres autour de toutes les thématiques liées au Peer-to-Peer. Si la notion technologique du P2P est évidemment importante, elle est également un ensemble de valeurs, qui compose une philosophie.Les valeurs du Peer-to-Peer peuvent s’appliquer à un très grand nombre de thématiques, comme la sécurité des communications, la protection de la vie privée, le partage de savoirs, mais aussi dans les arts, ou encore les échanges monétaires. Rencontre avec ncontre avec zôÖma, membre fondateur de la communauté Paris P2P.
Plus largement aujourd’hui, quels sont les enjeux, défis nouveaux qui apparaissent dans le monde de l’Internet libre ?
Pour le grand public, internet se résume parfois à Google, Facebook, ou Amazon. Il est triste de s’apercevoir qu’Internet a depuis une vingtaine d’années centralisé son architecture, ses données, et ses flux sur des acteurs privés devenus de “grandes puissances”. Internet a été pensé pour être distribué, décentralisé, et pour permettre l’émancipation des peuples d’acteurs potentiellement toxiques ou nocifs à leurs coopérations. L’une des lectures les plus recommandables à ce sujet est peut-être le Cypherpunk Manifesto, qui explique de façon très directe la nécessité de protéger la vie privée des internautes, et d’utiliser la cryptographie pour protéger les citoyens d’acteurs potentiellement nocifs aux démocraties modernes. À l’heure d’une société moderne ultra connectée, il est urgent de penser des systèmes d’informations, d’échanges, et de coopérations qui soient résilients, autonomes, et résistent à la censure ou à la surveillance de masse, afin d’assurer aux populations des outils libres, gratuits et open source.
Nous pourrions résumer l’approche du pair à pair en deux phrases : “Don’t trust, verify.” & “No your key, not your coins.”. Ce qui signifie deux choses importantes dans la philosophie des communautés pair à pair : Ne faites pas confiance, vérifiez. Sous-entendu, sur des registres ouverts comme la Blockchain, ou simplement car le code de l’application est ouvert. Puis “Si ce n’est pas vos clefs, ce ne sont pas vos pièces”. Ce qui ici, sous-entend que l’utilisateur·rice, lorsqu’il fait confiance à une entreprise privée pour stocker ses données, ou son argent, plutôt que de l’héberger lui-même, alors il n’en est pas réellement propriétaire… et prend un risque grandissant de voir cette confiance trahie à un moment donné. Le pair à pair amène donc cette notion forte de souveraineté, non pas “étatique”, mais à l’échelle de l’individu, qui doit pouvoir posséder lui-même ses données, et être autonome de toutes formes d’intermédiaires dans sa vie numérique
Comment le festival permet-il d’y apporter des réponses ?
Le Festival est organisé par une communauté qui souhaite rassembler, fédérer, et ouvrir des passerelles entre les différents écosystèmes, et les différents mondes du pair à pair. Si le grand public entend de plus en plus parler de cryptomonnaies depuis quelques années, il est avant tout important de considérer que le pair à pair est une philosophie plus large, et une typologique d’architecture qui se retrouve y compris dans un monde “hors technologies”. La nature, d’ailleurs, à une tendance forte à s’organiser en pair à pair. Le festival cherche donc à permettre aux curieux·ses ou aux passionné·e·s de découvrir chaque année la diversité d’approches de ces protocoles. Partager de façon ouverte les savoirs et les travaux des communautés est l’un des enjeux les plus importants de ces écosystèmes, dans la mesure où tous ces travaux sont open source ! Plus il y aura de développeur·rice·s, ou même d’initié·e·s sur ces sujets, plus les populations auront à disposition de nouvelles applications et de nouveaux services. Elles prendront pas à pas conscience qu’il existe de nouvelles approches, beaucoup plus adaptées à leur sécurité et plus à même de répondre à leurs besoins de façon saine. Nous souhaitons donner envie aux gens de comprendre ce qu’il y a sous le capot… ! Et accessoirement, des milliers d’entreprises recrutent sur ces sujets, alors nous devons inspirer les générations d’étudiant·e·s en France et en Europe à se plonger dans ces sujets passionnants !
Si on n’y comprend pas grand chose mais que l’on est curieux à la blockchain et aux technologies décentralisées, est ce que l’on peut venir au festival ?
Bien sûr ! Il est vrai que beaucoup de conférences seront très techniques, notamment les vendredi et samedi après-midi, car elles traitent de sujets extrêmement pointus, même pour des développeur·rice·s expérimenté·e·s! En revanche, nous tâchons d’apporter un certain équilibre, avec des conférences plus accessibles au grand public. N’ayez pas honte, jamais, car certains développeurs avec 20 ans d’expériences sont totalement perdus dès lors que l’on aborde certains sujets liés au pair à pair ou à la cryptographie. Quoi qu’il arrive, sachez que la communauté est ouverte, et que vous pouvez devenir contributeur·rice de la prochaine édition, et ainsi demander à avoir des conférences sur des thématiques qui vous intéressent pour les prochaines éditions. D’ailleurs, le festival lui-même est pensé pour être décentralisé dans sa gouvernance ! En 2023, nous allons mettre en place une organisation permettant à tous les participant·e·s de gouverner ensemble ce festival !
Le P2P festival, c’est quoi ?
Le Paris P2P Festival est un événement gratuit qui rassemble expert·e·s et passionné·e·s de pair à pair, et de cryptographie.
Il est organisé par la communauté elle-même, de façon très ouverte et se veut à but non lucratif afin de permettre à tou·te·s de venir à la rencontre des expert·e·s. Si le grand public connaît le P2P probablement pour des sujets comme le téléchargement illégal de musique, c’est en réalité une type d’architecture de réseaux, qui remet l’utilisateur au centre. En clair, le pair à pair permet de connecter les utilisateur·rice·s directement entre eux, sans serveur, et sans administrateur central. On permet ainsi une résilience beaucoup plus forte du réseau, et du service.
L’utilisateur·rice d’un logiciel, d’une application, ou d’un service, fait donc partie des acteurs du réseau, et n’est plus un simple client passif. Ce type de technologies existe depuis longtemps, mais de nouvelles vagues de protocoles sont apparues ces dernières années, avec de nouvelles approches, passionnantes et radicales. Ces protocoles permettent désormais de repenser les organisations sociales, les interactions et les échanges, sans intermédiaire, sans entreprise centrale pour diriger le service. En réalité, on assiste à l’émergence de milliers d’expérimentations qui visent à rendre les utilisateurs souverains, autonomes et indépendants de toutes formes d’entités centralisées (GAFAM, intermédiaires divers, banques, prestataires de paiements, gouvernements), et à rendre les interactions entre les individus sécurisées, transparentes, et résilientes.
Ce festival est organisé pour permettre aux expert·e·s du monde entier de se rassembler tous les ans et de partager leurs travaux avec la communauté. L’objectif de ce festival est de permettre le partage de connaissance, sur ces protocoles open source, et d’inviter expert·e·s, passionné·e·s, ou jeunes développeur·rice·s, à se rencontrer, pour construire ensemble un internet décentralisé, et un avenir commun plus “pair à pair”.
Quels sont les grands sujets abordés dans cette deuxième édition ?
Cette année, le programme se compose de différents sujets majeurs, tous liés de près ou de loin à la cryptographie et au pair à pair. Nous y abordons la vie privée, sous différentes thématiques, avec des experts des ZK protocols (protocoles Zeroknowledges) sur Ethereum, mais aussi dans les contextes de messageries décentralisées préservant la vie privée. Le jeudi soir, une soirée dédiée à Bitcoin viendra présenter avec une approche très particulière, en quoi Bitcoin est un protocole passionnant d’un point de vue ingénieur, tant sur la thermodynamique que le pair à pair.
En l’espace de 5 jours, une diversité de sujets liés aux problématiques très spécifiques du peer-to-peer sont évoquées, avec une approche très technique. L’événement accueille cette année des acteur·rice·s majeurs et internationaux du P2P, avec des tunnels de talks des équipes de Protocol Labs, IPFS, libp2p, ou encore Berty protocol, qui sont précurseurs et experts internationaux sur des thématiques pointues.
Le vendredi et samedi s’enchaînent de nombreuses conférences très pointues pour qui explorent ou développent sur des briques techniques comme IPFS (InterPlanetary Files System, un réseau pair à pair parmi les plus importants au monde.) Il est notamment utilisé pour héberger des millions de NFTs de façon sécurisé et totalement décentralisé, donc incensurable. Si l’événement n’aborde pas les NFTs, c’est parce que la communauté ParisP2P se concentre sur la technique, la science, et la technologie elle-même, plutôt que sur les effets de mode ou les angles spéculatifs.
D’ailleurs, le fondateur d’IPFS et de Protocol Labs, Juan Benet sera là le vendredi à 14h pour ouvrir ces conférences et donner sa vision de l’avenir ! Honnêtement, nous pouvons être très fiers ! Certaines briques technologiques qui sont présentées sont utilisées par des milliers ou des millions d’applications à travers le monde, et sont pourtant très méconnues car elles nécessitent une connaissance extrêmement pointues d’ingénierie du p2p.
Ils viennent partager l’état des lieux de leurs travaux, et échanger sur ces différents challenges. Puis, évidemment, tous les développeur·rice·s ou étudiant·e·s souhaitant découvrir ce monde se joignent à cet événement ouvert, pour aller plus loin dans leur compréhension de ces protocoles, et peut-être construire de nouveaux projets! Un hackathon est d’ailleurs ouvert du vendredi au dimanche, avec de très beaux cashprizes pour les gagnant·e·s!
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