4 questions pour demain avec Stéphanie AMPART #médiaengagé
“On a vraiment envie d’accompagner ce que l’époque et le monde sont en train de nous dire. So good va être le média de ce que le monde a à dire.”
1. Qu’avez-vous fait de totalement inédit durant cette période que vous n’auriez pas osé faire autrement ?
J’ai rythmé mes journées ! C’est à dire que j’ai été obligée vu que j’étais confinée avec des amis et des enfants dans une grande maison. Habituellement, je vis beaucoup dans l’impro, dans les rencontres c’est un peu mon métier, mais là j’ai été obligée de planifier, de rythmer mes journées et ça a été quelque chose, pour moi, d’assez inédit que d’arriver à tenir deux mois avec un planning, des routines, une forme de discipline que d’habitude j’ai du mal à m’imposer. Alors elle a pris plusieurs formes cette discipline, je me suis remise au sport _ je faisais mon heure de sport tous les jours, je me suis mise à cuisiner et à reprendre du plaisir à cuisiner. Ca m’a permis de gagner du temps, ça m’a permis de comprendre plusieurs choses en fait.
Et puis l’arrivée de So good, le magazine de ceux et celles qui sont et font le monde de demain, ça a été assez inédit dans ce qu’on a vécu aussi ! So good c’est un magazine trimestriel d’une centaine de pages dont le premier numéro est donc sorti le 4 juin en kiosque. C’est un magazine sans pub, engagé écologiquement, parce qu’on a une encre et un papier qui nous permettent de ne pas polluer, et c’est surtout un mouvement. On a lancé notre campagne de crowdfunding _ puisque So good est un magazine sans pub, c’est uniquement l’abonnement qui nous permet aujourd’hui d’avancer sur ce projet_ début mars et on a d’abord créé finalement un mouvement, un collectif. D’habitude dans une campagne de crowdfunding on va chercher ses premiers cercles, ses deuxièmes cercles etc, mais nous, on a eu tout de suite eu notre core team d’activistes So Good. Et on a créé un mouvement. Des projets collectifs sont nés de ce mouvement, on s’est entraidés et il ya eu des mouvements de solidarité incroyables. On a commencé à exister par un contenu alors que le magazine n’était même pas encore sorti. Ça a été assez inédit dans la construction même d’un média.
On a vraiment pris conscience de la force de ce que pouvait être l’accès à l’information. Je me bats beaucoup aussi sur l’éducation aux images et à l’information et c’est vrai qu’on a pris cette dimension, la capacité à fédérer autour de différents sujets. On est quand même assez fiers de ça et à la fois humbles parce que c’est vraiment la communauté qui a construit toutes ces belles histoires pendant ce confinement. Pour le lancement d’un magazine c’est plutôt un beau mouvement qui est en train d’arriver.
2. Quels changements avez-vous observés et qui pourraient s’installer durablement ?
On a pris la conscience du présent. Il y a eu beaucoup de choses sur le monde d’après, le monde de demain et moi j’ai presque envie de dire qu’en fait j’espère que pour beaucoup, ce confinement a permis une prise de conscience. Avec ce moment finalement contemplatif où on s’est posé _ même si je pense qu’il ya beaucoup de gens qui ont été encore plus hyperactifs et j’en fais partie _ on a appris à être dans le présent, être ancré et à regarder sa propre écologie avant de vouloir changer le monde. Je pense que ça c’est ce qui m’a marqué, et personnellement et professionnellement avec tous les gens que j’ai pu rencontrer.
Je me bats depuis assez longtemps pour qu’effectivement on soit d’abord connecté à soi-même avant de vouloir faire des choses pour les autres. C’est dur, c’est très dur, mais c’est vraiment quelque chose qui m’a marqué et ça m’a fait plaisir de me dire que les gens vivaient au présent. Cette navigation au présent je la trouvais assez intéressante et essentielle.
Ensuite ce que j’ai trouvé aussi très intéressant c’est le retour à la nature. On n’a jamais autant parlé du vivant, on n’a jamais autant parlé de la connexion à la nature que pendant cette période. On l’a vu, que ce soit dans des familles très fragilisées, que ce soit dans des lieux plus privilégiés, il y a eu des études qui ont montré que le manque de connexion à la nature était encore plus fort et en même temps le besoin de connexion à la terre reprenait un peu le dessus. Cela m’a évoqué le fait de se dire que l’on a respiré pendant ce moment. On a expiré, on a inspiré, et donc on a aussi pris conscience qu’on avait un corps. Voilà, c’est peut-être une réponse…
3. Quelles solutions concrètes selon vous pour accélérer la transition écologique et sociale ?
On sait depuis longtemps que l’intelligence collective, l’intelligence émotionnelle, se reconnecter effectivement au vivant peuvent être des solutions. Moi je suis quelqu’un qui a toujours eu beaucoup beaucoup de mal à méditer, mais, juste à la fin du confinement, je me suis laissée embarquer et j’ai eu la chance de tester un programme “leadership et mindfulness” comme on dit. Ça peut être une des premières solutions. Je pense que c’est cette fameuse connexion à son propre corps, à sa respiration et la gestion de la méditation mais connectée à son pouvoir d’action. Je crois qu’il faut que chacun se pose la question de savoir comment il a envie d’être un leader. Et le mot leader je le mets entre guillemets parce qu’il est souvent galvaudé. En France on confond souvent manager et leader. J’insiste bien sur le fait de savoir comment on a envie de partager son pouvoir et comment on a envie en fait d’embarquer des gens aussi sur une vision. Et ça on est tous capables de le faire, comme on est tous capables d’être créatifs, on est tous capables d’être le leader d’un projet, le leader de soi-même et ensuite la ressource des autres. Donc ça pour moi c’est déjà une première solution, c’est de se dire de temps en temps _ pas tous les jours, moi je n’y arrive pas _ se poser et se dire, “je suis consciente, je respire, je regarde, qu’est-ce que ça provoque en moi et ensuite je réponds” donc réfléchir aussi avant de répondre je pense que ça aide. Et je pense qu’ensuite il faut accepter en fait. Accepter, accueillir ce que le monde nous a donné à voir et que ça soit dans une entreprise, que ce soit dans une organisation, je pense qu’il faut se dire voilà c’est en train d’arriver, je l’accueille, et ça c’est pas une solution mais c’est une méthodo pour trouver des solutions. Je pense que ça c’est très inspirant et je pense que la permaculture et tout ce qui est perma économie, permanagement, et ces nouvelles manières de penser ça peut vraiment nous aider.
J’y crois beaucoup et je rencontre des gens qui travaillent la dessus et qui sont des gens formidables. S’inspirer et travailler avec le vivant, je pense qu’il y a vraiment des belles choses qui sont en route. Donc ça je pense que c’est une deuxième solution.
J’ai aussi été bousculée pendant ce confinement par ma fille de 16 ans. Il faut que l’on travaille avec toutes les générations et notamment avec les jeunes qui arrivent avec un regard neuf, qui nous bousculent. Je pense qu’il faut qu’on travaille ensemble, ça c’est aussi une vraie solution de ne pas croire qu’on est des sachants parce qu’on a l’âge que l’on a, mais d’écouter cette génération et de l’accompagner et d’avancer avec elle. Et j’en parle d’autant plus librement que j’ai un fils de 20 ans et une fille de 16 ans qui sont en plein dans cette réinvention avec nous. Et moi, je suis restée très battante et positive mais j’étais quand même assez plombée de me dire que mon fils avait 20 ans le jour du confinement. Ça m’a fait poser beaucoup de questions, ça m’a fait dire qu’il fallait que je continue à me battre, pas pour le monde d’après, mais pour la génération qui est en train d’arriver.
4. À votre échelle individuelle, qu’allez-vous faire ?
Ce que j’ai envie de faire c’est de me créer des routines et de créer de l’espace. J’ai une amie qui, pas plus tard qu’hier, m’a dit que l’on a en nous un espace qu’il faut l’identifier et en faire sa source. C’est aussi un espace qui peut accueillir des choses et quand il est rempli par les bonnes choses en fait, il s’agrandit. C’est un peu comme le coeur, un peu comme l’amour. Donc en fait moi à mon niveau individuel, je vais essayer de bien identifier cet espace. Parce que je sais que j’ai encore beaucoup de choses à faire dans cette vie, j’ai envie de bien identifier cet espace pour lui donner toute la place, pour pouvoir accueillir des projets et pouvoir encore accueillir toutes les choses qui font que tous ensemble on va pouvoir y arriver. Cette idée d’espace, c’est aussi de mieux respirer, de mieux être à l’écoute de moi-même et donc des autres. J’ai toujours tendance à couper la parole aux gens, j’ai 300 millions d’idées à la minute donc je veux toujours rebondir sur ce que la personne veut dire, et, en fait, je n’ai pas une écoute active, j’ai une écoute hyperactive. Je voudrais apprendre à mieux écouter, écouter pour comprendre plutôt que écouter pour répondre. Ça c’est un vrai sujet et je pense que si on s’écoutait un petit peu plus, si on comprenait un petit peu plus l’autre qui ne nous ressemble pas, cette écoute je pense qu’elle peut être intéressante et moi-même j’ai envie de me l’appliquer sur ma propre écologie.
Il faut qu’on ait des gestes écologiques, comme on a tous appris à trier nos poubelles, on a tous appris à ne plus acheter d’éléments plastiques etc, je pense qu’en fait on est capable aussi d’avoir des gestes corporels qui nous font du bien et qui nous amènent vers cette écologie. On peut tous, au niveau personnel, se changer et à tous les âges.
Le projet So good c’est une histoire de rencontres. Ce sont des personnes qui se sont rencontrées au bon moment, qui ont émis des idées, qui les ont mises en action, qui ne les ont pas faites toutes seules dans leur coin. Très vite, on est allé chercher des entreprises pionnières pour voir si le modèle de l’abonnement fonctionnerait, si cette idée folle de lancer un magazine sans pub n’était pas une utopie. Ce sont des écosystèmes qui sont venus s’entremêler et c’est ça que je trouve intéressant. Ce sont d’abord des histoires d’hommes et de femmes, ce sont des hommes et des femmes dans leur entreprise qui ont soutenu le projet dès le départ, ce sont des écosystèmes d’activistes dans l’économie sociale et solidaire d’abord, et ensuite des artistes et des designers, toute une communauté qui nous a rejoint. Ca a été complètement organique et je parlais de permaculture tout à l’heure, c’est comme un arbre qui a poussé et tout à coup un fruit qui a permis l’émergence d’une autre plante.
On a vraiment envie d’accompagner ce que l’époque et le monde sont en train de nous dire. So good va être le média de ce que le monde a à dire en fait. On n’a aucune stratégie figée de partenariats, on rencontre des gens et on décide de faire les choses avec eux. On a vraiment cette puissance de la maîtrise de la communauté organique et ça je suis assez heureuse de ce premier pas avec So good.
So good n’existerait pas sans les porteurs de projets. Avec Ulule on a cette chance inouïe d’avoir plus de 35000 porteurs de projets qui sont passés chaque année sur la plateforme. Ce sont des gens qui à partir d’une idée, à partir d’une rencontre, d’une histoire personnelle décident d’entreprendre et ça je voudrais le rappeler parce qu’en fait c’est ce que l’on veut faire aussi avec So good, c’est aider à transformer l’idée en action. C’est aussi aider tous ces porteurs de projets, tous ces bénévoles, toutes ces personnes qui aujourd’hui ont besoin pour mettre la lumière sur eux et d’aller chercher aussi dans les territoires. Le sujet des territoires est très important pour nous, il s’agit de ne pas rester seulement parisien et d’aller chercher ces fameuses histoires qui peuvent susciter derrière d’autres beaux projets. Et voilà, je voudrais juste les saluer, parce qu’en fait sans ces activistes, ces entrepreneurs, ces porteurs de projets, ces bénévoles, aujourd’hui on ne pourrait pas faire So good. Donc c’est ça qui était important pour moi.
Encore une chose à ajouter ?
Il y a une phrase qui me suit depuis très longtemps qui est “sois toi-même, tous les autres sont déjà pris” et je trouve qu’elle résonne encore plus aujourd’hui cette phrase parce qu’on a tous mis des masques en plus, on s’est tous quelque part, un jour, caché quelque part derrière une autre personnalité qui avait envie d’émerger en nous et je pense qu’en fait il est temps de se trouver.
Propos recueillis le 11/06/2020.
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