4 questions pour demain avec Tara HEUZÉ-SARMINI #changerlesrègles
Tara HEUZÉ-SARMINI est la Fondatrice et Directrice Générale de Règles Élémentaires, la première association française de lutte contre la précarité menstruelle. L’objectif de l’association est double : collecter des produits d’hygiène intime à destination des femmes dans le besoin et de briser le tabou des règles. @regleselementaires
“Ensemble, nous pouvons faire bouger les lignes et changer les règles !”
1. Qu’avez-vous fait de totalement inédit durant cette période que vous n’auriez pas osé faire autrement ?
Chez Règles Élémentaires, l’association que j’ai fondée et que je dirige, et qui est aujourd’hui la première association de lutte contre la précarité menstruelle en France, on a redistribué un maximum de produits en un minimum de temps. Très concrètement, on a redistribué plus d’1,5 millions de tampons et serviettes à des dizaines de milliers de femmes en à peine huit semaines, ce qui est plus que le double de l’ensemble des produits redistribués sur l’année 2019. Ça c’était absolument inédit.
On ne pensait pas y arriver, et grâce aux bonnes volontés des un·e·s et des autres, un alignement d’étoiles, des partenariats toujours plus forts, on a réussi, et c’était vraiment très chouette de voir cette chaîne de solidarité se mettre en place.
À un niveau très personnel, j’étais confinée en famille. J’ai vécu 24h/24, 7j/7 avec des membres de ma famille, avec lesquels je n’aurais jamais imaginé vivre ça. Ça s’est très bien passé, et cette crise sanitaire m’a aussi permis, je pense, de mettre les pendules à l’heure sur les valeurs essentielles, sur la famille, la santé, les circuits courts, la consommation locale, la déconsommation dans certains cas.
2. Quels changements avez-vous observés et qui pourraient s’installer durablement ?
On a observé pas mal de changements chez Règles Élémentaires. Le plus important, c’est sans doute la réelle prise de conscience, de très nombreuses personnes, de la détresse d’autres.
Je pense que le confinement a beaucoup marqué les esprits, notamment avec cette idée que pour rester chez soi, il faut un chez soi. Et nous, notre public ce sont des femmes et des personnes extrêmement précarisées qui n’avaient pas toujours un chez soi. Parmi le grand public, les donateurs, les donatrices, nos partenaires, ça a été très fort et il y a eu une très forte mobilisation et solidarité qui se sont mises en place. J’espère qu’elle s’installera et que ce n’était pas seulement lié au fait que les gens étaient chez eux. J’espère vraiment que cette solidarité va se pérenniser.
On a également observé des choses simples qui ne sont pas propres à notre secteur, ni même à notre association. Tout ce qui est le télétravail, les circuits-courts, la volonté de consommer local, toutes ces choses qui sont plutôt positives.
3. Quelles solutions concrètes selon vous pour accélérer la transition écologique et sociale ?
Il faut évidemment plein de choses, il n’y a pas de solution miracle.
La première, à mon avis, c’est d’investir et de réinvestir massivement dans l’éducation, dans la santé et dans des énergies renouvelables. C’est très important qu’on prenne conscience collectivement de la valeur des choses que l’on a déjà, de nos acquis, et qu’on les préserve, tout en s’assurant qu’ils ne nuisent pas à la planète et à autrui.
Je pense qu’il est urgent de lutter contre l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale, qu’il est urgent d’imposer une taxe carbone qui reflète vraiment le coût de la pollution, et qu’il est vraiment essentiel de repenser nos modes de consommation, de moins consommer mais de consommer mieux, de consommer plus local.
Cette crise, c’était aussi une crise de la mondialisation. Il est important que l’on arrive à vivre
en harmonie avec nous mêmes, avec les autres et avec la planète.
Un point essentiel pour accélérer cette transition écologique et sociale à mon avis, c’est vraiment d’avoir une approche très data-oriented, parce qu’on ne change pas ce qu’on ne mesure pas. Ça s’applique pour la pollution pour les statistiques ethniques, pour un certain nombre de choses.
Avant de chercher des solutions, il faut comprendre les problèmes, et ça requiert beaucoup d’efforts collectifs, ça requiert le temps de cette pause, de prendre le temps pour changer les choses et ne pas se précipiter en faisant les choses n’importe comment.
4. À votre échelle individuelle, qu’allez-vous faire ?
Depuis le déconfinement, je me suis mise au vélo à Paris, ce qui était une grande première pour moi. J’essaye évidemment de consommer le plus local possible, avec le moins d’emballages plastiques, je ne me déplace jamais sans ma gourde, j’ai même inventé un porte-gourde au cours de ces dernières semaines !
Et à un niveau plus global, je pense que le changement viendra de la mobilisation citoyenne. La mobilisation citoyenne c’est vraiment ce sur quoi on a misé chez Règles Élémentaires, et en très peu de temps on a obtenu des résultats assez spectaculaires.
On a changé les règles, on est en train de changer les lois, et je suis convaincue que pour tous les problèmes et tous les challenges auxquels on pouvait faire face, il faut absolument compter sur les un·e·s et les autres, que tout le monde se responsabilise, que tout le monde se mobilise.
Et pour moi, il y a aussi une urgence de recréer du lien social et de recréer du lien intergénérationnel. À un niveau très personnel, je me pose aussi la question à moyen terme de réfléchir à tout ce qui va être coliving pour les seniors, pour préserver la dignité de nos aîné·e·s, tout simplement.
Propos recueillis le 15/07/2020.
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